mardi 30 août 2011

Le premier playtest de son JDRA

 

Vous êtes auteur de jdra et un premier playtest est prévu… Quelques conseils pour éviter certaines erreurs


Contexte

Récemment, j’ai été invité à la première partie de test d’un jdra. C’est un jdra dont on n’entendait plus parler, l’auteur l’avait laissé mourir de sa belle mort dans un coin de son disque dur. A force de relance, j’avais fini par le convaincre de se lancer dans une partie de test. Il avait 15 jours pour se préparer.

Je précise que tout était plus ou moins clair dans sa tête, j’entends pas là qu’il dispose déjà de la vision de son jdr, il n’invente pas ex nihilo un jdr tout neuf. Bien sûr, il lui fallait quand même écrire le système, un scénario, des personnages, et tout autre élément utile.

Mais justement de quels éléments utiles parle-t-on?

Je vais essayer de reprendre un peu tout ça parce que j’ai été confronté aussi au même cas (à avoir une semaine pour écrire tout élément utile pour masteriser une première partie de playtest d’un de mes jdra), en ayant moi aussi des obligations familiales et un travail.

Quel intérêt à cet article ? Parce que dans le cas de ce playtest auquel j’ai joué, la chose suivante s’est déroulée : début à 14h, fin à 21h. Ca n’était qu’une séance de création de personnages. Là où c’est très fort, c’est que mon perso était déjà créé et que j’avais partiellement créé avec le MJ/auteur les autres personnages. Nous avons donc passé presque 7 heures à refaire ce qui avait été déjà fait et au final, rien n’a été testé.

Je l’avais prévenu de ne pas tomber dans le piège, de commettre cette “erreur de débutant” mais je n’ai pas dû suffisamment être explicite.

D’où la rédaction de cet article, si vous comptez un jour faire jouer un de vos jdra, voici quelques petits conseils…

 

Qu’est-ce qui est important?

En gros et en général, pour une partie de playtest, il vous faut plusieurs choses :
1. Un système de jeu qui tourne à peu près
2. Des personnages pré-tirés
3. Un scénario
4. Le setting ou, en tout cas, un vade mecum à destination des joueurs pour leur permettre de s’orienter un peu dans votre univers

Selon votre jeu et votre façon de maîtriser, vous n’aurez pas forcément besoin de tout ça. De même, l’importance de chaque élément dépend aussi un peu de vos joueurs. Pour vous lancer, à moins de souhaiter vous reclure dans la procrastination la plus archétypale, cela ne sert à rien d’avoir déjà pondu le livre de 256 pages, maquetté et illustré.

Mais admettons que vous ne disposiez pas de suffisamment de temps, sur quoi allez-vous devoir vous concentrer? Dans l’ordre d’importance cette fois :

 

1. Le scénario et les pré-tirés

Il faut bien réaliser une chose : ce qui importe c’est de vérifier la jouabilité de votre jdra. Le système peut évoluer mais fondamentalement l’intérêt tient au concept. Et pour démontrer cela, il n’y a pas de mystère : c’est le scénario qui va devenir central. Le scénario n’a pas forcément besoin d’être linéaire ou archi-développé. Cela peut être un simple cadre sur lequel vous allez broder, mais une accroche et une intrigue intéressante semblent un minimum. Et surtout, surtout, il faut bien se rappeler que ce playtest est l’occasion de faire une démonstration de ce qu’est, selon vous, une aventure-type avec votre jeu.

Ne visez pas une campagne archi-longue, ça ne sert à rien. Vous faites un test, il y aura pas mal de modifications à faire, aussi la campagne viendra quand l’ensemble du jeu commencera à être bien établi et solide. Personnellement, j’ai tendance à sous-estimer le temps que prendront mes joueurs pour avancer dans un scénario, aussi rien ne sert de préparer un scénario long. Quelques scènes devraient suffire.

Les pré-tirés sont censés être ciblés par rapport au scénario. Ils peuvent déjà se connaître, ce qui fera gagner du temps. Ne les faites pas créer en début de partie parce que vous perdrez du temps et les joueurs n’auront sans doute que peu d’idées puisqu’ils ne connaissent pas votre jeu.

En résumé, pour cet aspect, vous devriez pouvoir vous en sortir avec une page par personnage pré-tiré (toujours en prévoir deux ou trois de plus que le nombre de joueurs prévus afin de laisser le choix). Pas la peine de faire des feuilles de personnages chiadées, tant que le système n’est pas achevé, tout cela évoluera beaucoup trop pour perdre du temps sur ce point. Quant au scénario, rien ne change par rapport à votre façon de préparer vos scénarios, si ce n’est le but donc. On peut considérer que vous devriez pouvoir vous en sortir en résumant vaguement l’intrigue et quelques scènes. Deux ou trois pages devraient suffire en tout état de cause.

 

2. Le système de règles

Sans en avoir l’air, vous visez aussi à vérifier la viabilité du système de jeu : il est donc important que votre système soit plus ou moins finalisé.

Ne visez pas à l’exhaustivité au début : votre système doit gérer les situations standards. Avec chaque cas de figure, et selon le scénario, vous pouvez développer les règles spécifiques, si besoin est. Par contre, il est impératif que vous soyez à l’aise avec votre système. Faites déjà quelques tests seul pour en vérifier la solidité.

La présentation du système doit être brève et idéalement, vous ne la ferez qu’au fur et à mesure. L’idée c’est de se baser sur le principe de la seule information au moment utile. Première utilisation d’une compétence : explication du système d’opposition. Premier combat : explication du système de combat. Fin du scénar : explication du système d’expérience. Mais vous pouvez choisir de faire une présentation générale du système aux joueurs en début de partie : auquel cas, la règle est de faire concis, clair et succinct, pas plus de 30 minutes.

Attention, vous allez avoir des joueurs pénibles qui vont critiquer le système durant la partie et commencer à vous démontrer en quoi votre système est imparfait. Vous n’avancerez plus dans le scénario et les autres joueurs vont soit se joindre à ce débat, soit commencer à s’ennuyer. Stop! Vous réservez tout cela pour le débriefing, qui vient après la partie ou par mail. Durant la partie, on ne critique pas, on joue. Idem, ne faites pas de changement au niveau des règles pendant une partie. Si vous devez le faire, faites-le entre deux parties, voire entre chaque scénario (et idéalement avec des personnages différents).

 

3. L’univers

Paradoxalement, le setting vient en dernier selon moi. Pourquoi? Tout d’abord, vous pouvez l’expliquer en quelques instants à vos joueurs. Rappelez-vous juste une chose : “Faites simple et concis.”

Evidemment, votre univers est riche, il a mûri dans votre tête de longues années. Les joueurs peuvent être intéressés par tout cela mais plus vous en parlerez, moins vous jouerez. Ne donnez que ce dont les joueurs ont besoin pour leur personnage et quelques grandes lignes par rapport à l’ensemble de l’univers. Ne perdez pas plus d’une heure à expliquer règles et univers; si vous dépassez, vous êtes dans le rouge. Attention, il y a le piège que certains joueurs demandent beaucoup d’informations; ne tombez pas dedans! Restez toujours sur la base de l’explication seulement lorsque c’est utile.

Par exemple, il ne sert à rien de développer tout le pan religion, les nombreuses divinités, d’un monde med-fan si aucun de vos joueurs n’incarnent un prêtre. Même si c’est le cas, seule la religion de ce prêtre devrait être développée, et éventuellement la religion adverse, succinctement.

Aussi, vous devriez pouvoir fournir une à deux pages de présentation à fournir aux joueurs. Ce matériau sera de toute façon utile si vous comptez présenter le jeu à un éditeur. Cela vous permettra de mettre en avant les points forts du jeu et ses spécificités. C’est une bonne occasion de savoir être synthétique et vendeur et de disposer d’un document qui vous serve plus ou moins de guidelines, pour ne pas perdre de vue l’optique de votre jeu lors de la phase de rédaction définitive, à force de vouloir trop mettre d’idées géniales ou de nouvelles inspirations.

 

Conclusion

Ne vous y trompez pas, une partie de playtest se prépare, se travaille et doit être suivie en tant que MJ avec attention, peut-être encore plus qu’un scénario traditionnel (sans pour autant avoir constamment l’œil sur la montre).

Une fois la partie finie, essayez de récolter les premières impressions des joueurs. La chose n’est pas évidente et les joueurs n’y sont pas forcément habitués mais participer à un playtest c’est aussi avoir un devoir de critique. Il ne faut pas hésiter à revenir sur la partie. Est-ce que ça s’est bien passé? Est-ce qu’ils ont apprécié l’ambiance? Est-ce qu’il y a eu quelque chose qui les a heurté?

Dans un second temps, envoyez-leur une feuille de commentaires pour les forcer à critiquer votre jeu, cette fois en ayant le temps d’y réfléchir.

Pour ma part, j’envoie une feuille qui se concentre sur plusieurs pans.

Commentaires sur l’univers : L’univers du jeu vous a-t-il semblé intéressant ? Bien présenté ? Vous donne-t-il envie d’y jouer ? Y a-t-il des points obscurs, critiquables, incohérents, hétérogènes ?

Commentaire sur le personnage : Votre personnage était-il plaisant à jouer ? Quels sont à votre avis les points forts de votre personnage, ses points faibles ? Changeriez-vous quelque chose à ce personnage ? le personnage avait-il une raison d’être dans le scénario ?

Commentaire sur le scénario : Le scénario était-il spécifique à l’univers ? Etait-il agréable à jouer ? Y a-t-il eu des temps morts ou des temps forts qui vous ont particulièrement déplu/plu ? Vous a-t-il semblé linéaire ou forcé, ou au contraire ouvert et logique ? Avez-vous compris les buts et implications du scénario ?

Commentaires sur le système : Le système est-il clair et intuitif, a-t-il bien été expliqué ? Y a-t-il des zones floues, que vous ne pensez pas maîtriser ? Est-ce un système qui colle avec l’univers ? Auriez-vous des idées pour l’améliorer ?

Commentaires sur le MJ : (car on peut toujours s’améliorer  :)  )

Commentaire général : Avez-vous des remarques et critiques à faire ? Auriez-vous envie de continuer?

2 commentaires:

  1. Stephen Break17 juin, 2013

    Salut,
    J’arpentais le site et j’ai vu de la lumière dans ton post alors je suis entré!
    Juste pour dire : intéressant parce que c’est du concret (j’adore la théorie jdr mais je commence à penser qu’en fait on se rapproche plus de science expérimentale que de théorie pure et dure) et ça me permet de glisser que je trouve cette approche plautest en fait très appropriée pour la création de jdr dans le cadre d’un concours (suivez mon regard)
    D’ailleurs, pour DeH next je pars sur une approche “scénario-> système-> contexte” car je trouve dommage que le scenar, la sève du jeu finalement, soit souvent le parent pauvre de la création!
    Ton article va m’y aider! Merci

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    1. Salut Stephbreak,

      Ah ça pour être du concret, c’était du concret! :)
      Un beau fumble de la part de l’auteur / MJ mais difficile de jeter la pierre dans pareil cas.

      Concernant la théorie du jdr, je vais juste fournir une comparaison : beaucoup d’ “auteurs de jdr” ne s’y intéressent pas et quand on essaie de décortiquer un peu les mécaniques de leur jdr en utilisant des termes appropriés, ils perdent rapidement pied. Le but n’est effectivement pas de virer en querelle de clochers sur de la terminologie. Loin de moi l’envie de faire devenir le game design en jdr une sorte de duels d’universitaires ou de “sachants”.

      Mais créer un jdr sans s’être penché sur le théorique, c’est comme essayer de faire du piano sans être passer par du solfège (toute proportion gardée). On peut certes reproduire des sons entendus assez fidèlement, les adapter partiellement, composer une jolie musique à l’oreille, comprendre plus ou moins comment composer de la musique, mais tout ça se fait un peu au petit bonheur la chance. Certains y arrivent (et même parmi les musiciens). Mais bon c’est une méthode à la fois plus compliquée et moins structurée.

      Donc lisez de la théorie. Que vous soyez d’accord ou non sur les principes énoncés, peu importe. Mais inévitablement, vous allez commencer à réfléchir sur la création d’un jdr en tant que tel, vous allez intellectualiser votre démarche, commencer à vous poser des questions (“pourquoi je fais ça comme ça?”, “est-ce qu’un combat doit fatalement être divisé en round? avec une initiative, un jet de toucher et un de dégâts?”). Vous n’allez pas retenir tout ce que vous lirez, je ne pense pas que ce soit le but, mais au final, ça va vous enrichir, et les jeux que vous allez créer en conséquence n’en seront que meilleurs.

      L’autre point c’est le scénario. J’en viens de plus en plus à être convaincu que c’est loin d’être indispensable. Mais pour cela il faut proposer des outils au MJ et aux joueurs pour pouvoir créer le scénario à la volée. Et selon moi, mais ce n’est qu’un courant dans le jdr, centrer les aventures sur les personnages des joueurs, ce qui rend impossible de facto de proposer le moindre scénar (sauf à proposer des pré-tirés).

      Pour le concours Gamechef 2103 francophone (si j’ai bien suivi ton regard), de toute façon en 25K signes, je demande à voir comment tu pourras incoporer un scénario. Au forceps sans doute et en devant sabrer ailleurs. Ou alors proposer un simple synopsis légèrement détaillé, des situations. On en revient au caractère pas si indispensable que ça du scénario.

      Un dernier petit conseil : j’ai lu récemment Lady Blackbird que je vais sans doute maîtriser sous peu. C’est à mon sens un très bon exemple de jdr à rendre pour la Gamechef. Pas impossible qu’il me serve personnellement de modèle…

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